lundi 2 décembre 2013

vendredi 8 novembre 2013

Röslein, Röslein, Röslein rot

Hommage à Goethe, ce dessin est aussi une illustration pour le poème "La mort de la Rose" de Sandy Cazé (http://encredelune.over-blog.org/).

mardi 5 novembre 2013

À relire à tes heures anxieuses

Quelques instants avant le jour
Encore gris de notre amour
J'ai avant que l'aube se montre
Marché sans hâte à ta rencontre

Il faisait froid ce matin-là
J'entendais à peine mes pas
Tant le ciel était haut
Tant nos rêves me tenaient chaud

J'étais seul mais tu étais là
Sur ma peau, au creux de mes bras
Jusqu'aux recoins de ma mémoire
Jusqu'à te retrouver ce soir

Le Soleil s'est enfin levé
Amie, je ne t'ai pas rêvée
Je suis debout, il fait jour
Pourtant tu existes toujours

Ton âme toujours curieuse
Brûle et rend la mienne heureuse
Elle me réchauffe et m'éclaire
Jusqu'aux étoiles et sous la mer

Comme je t'envie mon amour
Pour ce goût des gens à l'entour
Pour cette force malhabile
Malgré la vie et ses périls

Navire sans aucune amarre
Cité sans portes ni remparts
Tu as l'audace fanfaronne
De l'antique Lacédémone

Je sais que tu marches vers moi
C'est mon espérance et ma foi
Et je n'ai besoin d'aucune autre
Notre amour est mon seul apôtre

mercredi 23 octobre 2013

Le jour où j'ai compris Roger

Hubert-Valentin de la Boursidière est d'extrême-droite.
Pour lui c'est naturel, on peut même dire qu'il est tombé dans la potion fasciste quand il était petit. Sa famille appartient depuis des temps immémoriaux à la classe dominante et il est naturel qu'il défende cette position de toutes ses forces.
Il est fier de ses aïeux qui jadis luttèrent contre la Gueuse en s'engageant dans l'armée autrichienne, il considère que le Maréchal est un héros incompris qui a sauvé la France du désastre dans lequel l'avait placé le Front Populaire enjuivé.
Il a accepté le drapeau tricolore depuis qu'il l'a vu entre les mains des soldats qui écrasèrent la Commune, mais il n'oublie pas le Roy, l'Église, la Tradition, la Race Franque dont il descend et la Race Gallo-Romaine qui est à la racine du peuple françois. Jusqu'ici tout est normal.

Régine Labordage-Duvison est d'extrême-droite.
Ce n'est pas qu'elle soit xénophobe. Non : si on la laissait faire les
frontières seraient grandes ouvertes pour accueillir une main-d'œuvre
plus disciplinée et plus affable que le Français si râleur et si privilégié.
Après tout si le spectre rampant du néo-crypto-marxisme n'avait pas
revêtu les oripeaux du keynésianisme l'immigration ne serait pas ce
qu'elle est parce que la France et le Burkina Faso offriraient le même
niveau de protection sociale.
Elle se moque bien du mariage homosexuel, de la religion catholique
ou de la Race Française, mais elle est d'extrême-droite depuis que Le Pen
s'est déclaré reaganien. Après tout Thatcher l'a dit dans une de ses lettres
de soutien à Pinochet : vous pouvez mener à bien la nécessaire libéralisation de l'économie grâce à vos escadrons de la mort, moi je serai toujours empêtrée dans les institutions britanniques. Régine veut bien jouer le jeu de la démocratie, mais jusqu'à un certain point. Si la démocratie s'approche un peu trop près du grisbi... tant pis pour elle. Les citoyens n'ont qu'à bien se tenir.
Pour en finir avec l'assistanat, la grève, les syndicats un peu trop chahuteurs, les minima sociaux, le service public, il faut quitter cette démocratie malade pour que les capitaines d'industrie comme elle puissent mener le monde vers une totale liberté de pensée cosmique dans un nouvel âge réminiscent. Elle protège sa fortune présente et future contre l'impôt, contre la redistribution des richesses... contre le vol en somme!
Jusqu'ici encore tout est normal, je comprends bien.

Raoul Fettucini-Fernandez-da Oliveira-Abdelkader-Kopulinksi est d'extrême-droite. Ses parents ou ses grands-parents sont jadis arrivés en France mais eux ont respecté les règles du jeu. Ils ont respecté les lois. Ils ont travaillé. Pas comme les jeunes de maintenant. Des bledards malpropres auxquels il ne veut surtout pas être assimilé.
Raoul est convaincu d'être riche. L'impôt sur les grandes fortunes lui donne des sueurs froides. Du haut de son bar PMU, de son pavillon de banlieue
et de sa caravane aux vitres fumées il sait qu'il appartient au gratin, à l'élite, à ceux qui dans la vie ne se font pas avoir, et Dieu sait s'il mérite chaque centime de son patrimoine!
Il est prêt à défendre corps et âme le droit à être riche et à en profiter, parce que si les bolcheviques viennent saisir le troisième yacht de Mme Labordage-Duvison ils viendront certainement saisir aussi sa caravane. Et d'ailleurs l'impôt en général le met en rogne parce que c'est déjà du bolchevisme : sa vaste fortune il ne la doit qu'à lui seul. Il n'a aucune idée du fait que son patrimoine amassé à la sueur de son front toute sa vie durant représente à peu près une semaine de dépenses courantes de Régine sus-mentionnée. 
Mais là je comprends encore à peu près.

Bébert le Troll est d'extrême-droite.
D'abord ce qu'il aime là-dedans c'est le groupe, la saine camaraderie, les crânes rasés, les muscles saillants et les aisselles épilées de ses petits camarades du groupe Unité Patriote Anarcho-Monarchiste pour la Libération Nationale et la Régénération du Peuple. Ils étaient cinq le mois dernier, ils sont dix ce mois-ci, le pouvoir est à portée de main!
Et puis ce qu'il aime aussi là-dedans c'est comment tout ce qu'il n'aime
pas devient un ennemi à détruire : les gauchistes à guitare, les noirs
qui branchent des petites blondes... et les blancs qui branchent des petites
blondes aussi d'ailleurs, du moment que ce n'est pas lui, et tant qu'à faire
toutes les femmes qui ne veulent pas de lui, les homos au cas où ils voudraient de lui et parce qu'ils détournent l'amitié virile qui lui fait tant de bien, les radars, les nanotechnologies, les basanés, les musulmans, les bridés, les Roms, les livres, les profs, les juifs, le permis à point, les Impressionnistes, les...
bref tout ça quoi. Si vous lui rappelez que le métal qu'il écoute vient du rock, soit une "musique de nègres" il vous pète les genoux, c'est bien la preuve qu'il a raison.
Enfin il n'est plus seul, il a trouvé sa place dans l'univers et toutes les
questions sans réponses ont disparu. D'un seul coup il appartient à une
élite sans poils et sans complexes, lui qui était jusqu'alors le dindon de la farce.
Là encore j'arrive à comprendre.

Roger Lapoisse est d'extrême-droite.
Il est chômeur. Il ne paie pas d'impôts.
Il a tout intérêt à la redistribution des richesses.
Il n'a plus l'âge de l'activisme biérophile de Bébert et
de toutes manières la politique le dégoûte. Tous des pourris.
Il vit dans un ghetto de banlieue où ils sont à peu près tous
comme lui, dirigé par des truands de toutes les couleurs et de toutes les
origines. Pourtant il est raciste et n'a que mépris pour ses
voisins et il a pris le parti de ceux qui n'ont que mépris
pour les gens de son acabit.

Et c'est là que je ne comprends plus.

Je sais : la trahison de la gauche fait le lit du fascisme,
le manque d'instruction, le chômage, les boucs émissaires...
Je sais tout ça. Mais je crois qu'il y a autre chose.
Quelque chose que partagent Roger, Bébert, Raoul, Régine et
Hubert-Valentin.

Au fond ce que tous ces gens-là ont en commun c'est une seule
conviction : nous ne sommes pas tous pareils. Nous n'avons
pas tous la même valeur. C'est cette idée anti-humaniste toute
simple qui fonde leur idéologie. Et c'est ce qui me permet de
comprendre Roger.

Roger est aux derniers échelons de la société. Alors comment
concilie-t-il son idéologie élitiste avec son statut? Et bien
parce qu'il est blanc justement : au moins ça on ne peut pas
le lui enlever. Là au moins il n'a rien à prouver, et ça le
place naturellement au-dessus de la racaille bronzée.
Hitler n'a-t-il pas dit que son objectif ultime était de
créer un monde où il serait plus prestigieux d'être balayeur
en étant citoyen du Reich que roi d'un pays étranger?

Fichtre, quel soulagement! Roger est ainsi sûr lui aussi d'appartenir
au gratin, à sa manière... Et vous autres espèces d'humanistes
dégoulinants de sensiblerie vous venez lui expliquer que nous
sommes tous égaux?

À ceux qui se demandent comment le nazisme a pu avoir lieu
je puis enfin répondre qu'à l'origine on ne trouve pas la haine,
ni la nostalgie du passé, ni la religion... ni aucune de ces
billevesées.

On trouve une carabistouille beaucoup plus universelle et beaucoup plus
répandue : celle de tracer des lignes invisibles entre les êtres
humains, que ce soit entre ethnies, sexe, orientation sexuelle,
cultures... Le cauchemar commence avec "ça c'est bien un truc de
mec/nana" ou encore "ils sont hypocrites/voleurs/misogynes...
c'est dans leur culture". Si jamais un jour c'est à moi qu'on vient
péter les genoux je saurai que c'est à ce genre de stéréotype
en apparence inoffensif que je le devrai.

dimanche 6 octobre 2013

vendredi 4 octobre 2013

samedi 7 septembre 2013

mercredi 4 septembre 2013

Nuit-Voyage

Ce dessin est une illustration pour le poème "Nuit-Voyage" écrit par Sandy Cazé (http://encredelune.over-blog.org/).

samedi 31 août 2013

Ειδήσεις από την Κρήτη II (Nouvelles de Crète II)

J'implore par avance votre magnanimite face a l'absence
d'accentuation de cette modeste missive mais les claviers grecs
se soucient peu de l'orthographe francoise.

Quelques nouvelles donc de cette petite escapade dans l'isle
de mon ancestre M. Alexandre Xiradakis, a qui je dois mes prenoms
hellenisants, et ou je retouvai quelques-uns des gousts et odeurs de mon enfance : jasmin, eucalyptus, thym, yaourts, souvlaki,moussaka, choriatiki, cafe turc (pardon, grec!) et raki...bon, peut-estre pas les deux derniers.

Arpenter les montagnes et les plages cretoises en sandales de touriste faisant
de moi un heritier de mes illustres predecesseurs : Venitiens et Turcs,
 je pris soin en quelques castels de sable d'ajouter
moi aussi une modeste contribution a l'architecture locale, aux pieds
des forteresses et fontaines de la Serenissime et des minarets de la Sublime Porte, fort soucieuse apparemment du salut de ses Janissaires.

Se deplacer le long des routes en lacets de la montagne est
une promenade magnifique, mais point exempte de dangers.
Pour vous donner une idee du caractere montagneux du lieu
il suffit d'une anecdote quelque peu suprenante. Pendant la
Seconde Guerre Mondiale la resistance cretoise fut tres
intense (les gens chantent encore des chansons de cette
epoque aux festins populaires comme il nous fut donne
de l'entendre), et de nombreux soldats britanniques
furent loges et nourris par les resistants, et caches
dans une certaine mesure... puisqu'alors que les armees
allemandes et italiennes occupaient les ports du nord de
l'isle pour assurer le ravitaillement de l'Afrikakorps
(les costes lybiennes etant a 300km au sud), les
britanniques prenaient des cafes en plein jour en
uniforme dans les villages du sud, tres difficiles
d'acces (certains n'ont encore a ce jour aucune route).

Mais foin de ce relief facetieux, le plus etonnant est aujourd'hui
la Nea Ethniki Odos, ou "nouvelle route nationale"
reliant les villes du nord : La Canee, Rethymno, Heraklion...
qui est aussi l'autoroute cretoise!

M. Theobbald van Derdendur, commissaire aux autoroutes europeennes,
a sans doute eu cette discussion avec les responsables cretois :

-Mais dites-moi sur votre autoroute il faudrait ajouter
une bande d'arrest d'urgence! Et plus vite que ca!
Convertissez-moi immediatement la seconde voie en
bande d'arrest d'urgence!
-C'est que... Il ne restera plus qu'une seule voie et a cause
du relief...
-Veux pas le savoir, c'est une reglementation europeenne!
Pas d'autoroute sans bande d'arrest d'urgence!

La circulation en Crete etant ce qu'elle est, les vehicules lents roulent
donc sur la fameuse bande, qui souvent se reduit a une demi-voie,
sur laquelle on doit se caler tant bien que mal entre les bolides
et le ravin qui, faute du soutien psychologique de la rambarde,
nous fait une cour assidue. Precisons qu'un vehicule lent est
ici un vehicule qui n'excede de pas plus de 10km/h la vitesse limite.

Reconnaissons que la bande d'arrest d'urgence est parfois une bande d'arrest,
sinon d'urgence, une sorte d'aire de repose improvise. Mon incomprehension
trouve peut-estre sa source dans le fait que la notion d'urgence est ici
assez contradictoire. Un automobiliste presse n'hesitera pas a coller
son pare-chocs au vostre a 100 km/h afin d'exiger de vous que vous
vous rabattiez dans le... ben le ravin en fait, mais au moindre coup de klaxon
de votre part afin de lui signifier votre desir de vivre en depit des
nombreuses tentations contraires, il prendra nonobstant le temps de
vous depasser, puis de s'arrester pour vous laisser le temps
d'admirer un geste obscene, sans doute invitation a regler l'affaire
en gentilhommes autour d'une partie de scrabble... avant de vous
reprendre en chasse... Merveilleuse illustration des effets devastateurs
de la conduite sur l'intellect humain, car si la conduite execrable du
francilien s'accorde parfaitement avec son temperament perpetuellement
agressif et deprime, et sa propension a aboyer des insultes a tout
bout de champ, ce genre de comportement simiesque a de quoi
etonner de la part d'une population remarquablement aimable et
detendue du slip. Le Cretois est courtois, sauf quand il conduit
apparemment.

Mai je m'apercois que mon temperament rasleur si francilien
a pris le dessus sur mon humanisme retrouve (car la Grece
en general transforme le connard misanthrope que je suis en
philosophe du bonheur et de la fraternite), et qu'il ne me reste
plus qu'une minute de connexion...

Diantre que dire? Vous parler des villages abandonnes abritant
sous des grenadiers et des vignes redevenus sauvages des eglises
byzantines du Xeme siecle? Des couchers de Soleil sur les ruines
de la plus grande cite antique hellene de Crete, reduite a un village
isole avec plus de chevres que d'habitants? Des chiens qui attaquent
bravement la carrosserie de notre voiture pour defendre de nos regards
concupiscents leurs quelques moutons? Des grottes avec vue sur la
mer parce qu'on peut estre ermite et avoir le sens du luxe? Du mariage
de nos amis Niki et Vassili dans une eglise troglodyte, raison
premiere de notre voyage... ?

Inutile sans doute, puisque les gens heureux n'ont pas d'histoire.

lundi 19 août 2013

Le prix des belles choses

Ce dessin est une illustration pour le poème "Le prix des belles choses" de Sandy Cazé (http://encredelune.over-blog.org/)

jeudi 18 juillet 2013

Ouroboros

(écrit avec Sandy Cazé)


J’ai vu dans vos mains des lames brûlantes,
avides d’un sang neuf
J’ai vu s’éloigner les étoiles,
et les enfants ramper dans les mines
Partout j’ai vu le feu,
et les mains affamées qui en sortaient

J’ai vu le ravage de l’incendie à l’aube tuméfiée
J’ai vu aussi des pousses poindre dans la cendre
Comme après l’éruption revient l’herbe tendre
Et la lune a paru plus grande dans le ciel déserté.


J’ai vu une muraille surgir des mers,
pour nous voler la courbe de l’horizon
J’ai vu la chouette à nouveau clouée sur nos portes,
et dans son œil d’or brillait encore l’éclat de nos passions oubliées
Surtout j’ai vu du sang,
et je sais ce qui nous attend

J’ai vu des racines et des branches fissurer le mur
Il s’est orné de dessins sur l’horizon et la mer
Des doigts errants commencent d’arracher les pierres
Des mains courageuses le couvrent d’écriture


J’ai vu les dieux quitter leur tombe,
et venir s’asseoir à notre table
J’ai vu des prêtres masqués leur livrer des corps d’enfants
pour incarner leurs désirs infâmes et leur soif de vengeance
Ils prétendent défendre la vie et la Terre,
mais servent les antiques ténèbres

J’ai vu ces seigneurs vaciller de leur piédestal
Quand les prières des fidèles s’achèvent
Disparaître dans un nuage d’encens et de santal
Car les humbles de la Terre se relèvent


J’ai vu brûler une fois encore la bibliothèque d’Alexandrie,
et les flammes riaient comme des enfants ignorants
J’ai vu des croix fichées dans le sol brûlant de nos déserts,
et leurs bras grands ouverts pour de nouveaux esclaves
Et je sais que nous marcherons courbés,
sous le sourire suffisant des géants de bronze

J’ai vu les pages rescapées s’envoler comme des hirondelles
Des mots recueil lis comme des fleurs aux pétales fragiles
Des imprimeries de fortune aux encres malhabiles
Aux couvertures grossières, au papier léger comme une aile.


J’ai vu que nos machines en savaient plus que nous,
car elles ne craignaient pas d’apprendre
J’ai vu sur les murs de nos écoles en ruines une vigne folle,
pour nos ivresses envenimées par le regret
Et je sais que nos enfants ne sauront pas lire ces lignes,
ni même compter les maigres deniers de leur labeur

J’ai vu sur les murs de vieilles cartes de géographie
Aux îles englouties, aux continents disparus
Un monde amnésique redécouvert par des nouveaux venus
Des enfants qui arrachent un peu de savoir à l’oubli.


J’ai vu l’ange de la Pestilence étendre à nouveau ses ailes couleur de cendres,
et sa lame lui avait été rendue par les Princes-Marchands
J’ai vu sourire les poisons nourris du terreau de l’absence,
car plus personne ne savait recoudre nos plaies ouvertes
Et sous un air trop lourd nous attendions l’orage,
impatients d’en finir et amoureux transis des guerres à venir

J’ai vu des miraculés qui ont survécu
A la maladie au cheval vert de gris
Utiliser l’averse pour laver le sang, la lame comme bistouri
Et soigner les vainqueurs comme les vaincus


J’ai vu les mercenaires dévorer Carthage,
et ils cueillaient des fruits de sel sur des arbres en verre
J’ai vu le temps se tordre sur lui-même,
comme un serpent éventré
Et les mots restaient en nous comme une maladie honteuse,
parce que nous ne savions plus que la langue du vainqueur

J’ai vu des mots se réinventer des légendes se redécouvrir
Et les hommes boire de nouveau aux sources
L’eau du temps chasse le sel et redevient douce
Pour ceux qu’aucune défaite n’empêche de réfléchir.


Mais je n’ai rien vu après.

J’ai vu l’Ouroboros.

mardi 16 juillet 2013

Sinistre et intello

C'est décidé : mon second recueil de poésie s'intitulera "Sinistre et intello" et ce dessin en sera peut-être la couverture!

samedi 15 juin 2013

Suffisance


Tu n'as pas l'intention de blesser?
Sois tranquille : je le sais.
Cela te vient naturellement.
Même tes regrets sont des insultes à peine voilées.

Tu me traites comme tout un chacun?
Sois tranquille : je le sais.
C'est le monde entier que tu embrasses d'un mépris égal
Et tu le dis sans ambages avec une égale franchise
Sans doute devrais-je t'être reconnaissant de l'un comme de l'autre.

Tu ne comprends pas... ou au contraire tu comprends?
Sois tranquille : je le sais.
Tu comprends si bien que tu n'as pas besoin de me répondre
Il te suffit de répondre à l'envers de mes paroles
Ou même à ce que je n'ai jamais dit
À l'abri d'un théâtre de papier.

Moi qui m'étais juré de toujours laisser la porte ouverte
Je préfère quitter la demeure.

J'y laisse les fétiches de bois mort
Et les singes marionnettistes
Qui m'y remplaceront avantageusement.

Et surtout je te laisse le dernier mot.
Pourquoi me parler puisque tu te donnes la réplique?
Puisque tu te suffis à toi-même?
Je te laisse à ta suffisance
et me tairai désormais.

vendredi 3 mai 2013

Ce n'est pas un jeu

Je marche sur la corde raide
Et deux abîmes me sourient
Hurlant : "Ton mal est sans remède
Et tu n'as toujours pas grandi!"

Je marche comme un somnambule
Entre mes cauchemars jolis
Je ne suis pas funambule
Mais mon chemin se retrécit

Jusqu'à devenir un poignard
Fin comme le bec d'un vautour
Dont je peux armer mon regard
Pour fendre mon linceuil de jour

Cela n'a rien d'enviable
Et je n'y ai jamais pris goût
Mais je vois ces chairs innommables
Qui peuplent le vide entre vous

Je suis né sans vos défenses
Je suis né un peu moins fort
Juste assez pour que la démence
Soit à mon chevet quand je dors

Sachez-le : ce n'est pas un jeu
Mes vers ne sont pas secondaires
Ce sont les couleurs de mes yeux
Et ce que je sais du mystère

Et si je ne les écris pas
Ils s'amoncèlent en moi
Et quand vous ne les lisez pas
Ils m'étouffent sous leur poids

Cette Muse féroce et ivre
Qui souvent ne m'amuse pas
J'exige de lui survivre
Si ce n'est vous qui m'aidera?

Vous voyez : ce n'est pas un jeu
C'est mon chant, ma seule prière
Criée d'un temple sans Dieu
C'est ma chance... la dernière

lundi 11 février 2013

Saturn's chains

Saturn's chains

Something despicable holds still
On the threshold of my narrow door
I'm afraid of this hollow automaton
I loathe what is but appearances

I don't fear death nor tears
Neither pain great or small
Neither the foreigner or the predator
But that and only that I fear

When the bone cracks and pierces the flesh
When the still-seeing eye is torn out
When the howling skin is ripped
There is still worse, much worse

Many times I wake up screaming
My quivering eating into me
Because I remember and I hear
Their steps on my steps, hiding in my past

There is so many of them : it's an army
At the threshold of my burning home
So many but identical to me
Because of the void they feed inside

I hate them almost as much as they frighten me
Those shapeless and scentless monsters
Only at the top of a cliff
Am I as terrified

They lost the smiles and the tears
They speak only the language of din
Since they only shine through their arrogance
They'd like to share their ignorance

It's hunger you see in their morbid eyes
Because empty beings are greedy
They devour their prey for naught
Like a fire without heat or light

I see them starving and infuriated
At the threshold of my faceless fright
I know that if I bend to their will
There'll be nothing of me

If they touch me I'll become an object
A tool, a thing in their closed hands
Round and smooth like crazy Saturn
Where the sky is chained to the ground

For they hate these asperities
Where ideas get caught and hurt
In the rough embrace of reality
When the wound gorges itself on salt

There every day, every night,
Always waiting, they don't sleep
Since they don't need to think
And know I want to kill them

They aren't really mammals
Those who always try to chain up
The hands extended to them
Those who repay goodness with infamy

My violence worries you
You blame my adamance
But you know : I have to hate them
When your leniency becomes injustice

You're free to grant them
The pardon they never asked
But me... I'll curse them every day

Some acts you can't come back from

Those wraiths don't fear death
But I'll force them into shape
With eyes I can pierce
With a heart I can rip out

mercredi 6 février 2013

Les chaînes de Saturne

Une chose abjecte se tient droite
Encombrant le seuil de ma porte étroite
Je crains cet automate sans substance
J'ai en horreur ce qui n'est qu'apparence

Je n'ai pas peur de la mort ni des pleurs
Ni des grandes ou petites douleurs
Ni de l'étranger ni du prédateur
Mais de ça, de ça seulement j'ai peur

L'os qui craque et perce la chair autour
L'œil qu'on arrache et qui voit toujours
La peau qui hurle quand on la déchire
Il y a pire encore, bien pire

Mille fois je me réveille en hurlant
Tout entier mangé de tremblements
Parce que je me rappelle et j'entends
Leurs pas sur mes pas, tapis dans l'avant

Je les vois si nombreux : c'est une armée
Au seuil de ma demeure incendiée
Nombreux mais identiques à mes yeux
Par le vide qu'ils nourrissent en eux

Je les hais presque autant qu'ils me font peur
Ces monstres informes et sans odeur
Ce n'est qu'en haut d'une falaise à pic
Que je sens venir la même panique

Ils n'ont plus de sourires ni de larmes
Ils ne parlent que la langue du vacarme
Comme ils ne brillent que par l'arrogance
Ils voudraient partager leur ignorance

C'est la faim qu'on lit dans leurs yeux morbides
Car l'être vide de l'autre est avide
Dévorant sa proie sans rien en faire
Comme un feu sans chaleur et sans lumière

Je les vois affamés et blancs de rage
Tous au seuil de ma terreur sans visage
Je sais que si je me plie à leur loi
Il ne restera plus rien de moi

S'ils me touchent j'en deviendrai chose
Un outil, un objet dans leurs mains closes
Lisse et rond comme Saturne la folle
Où le ciel est enchaîné au sol

Car ils détestent les aspérités
Où s'accrochent et se blessent les idées
Dans l'étreinte rugueuse du réel
Quand la blessure se gorge de sel

Chaque nuit, chaque jour ils sont là
Toujours à l'affût, ils ne dorment pas
Puisqu'ils n'ont pas besoin de penser
Et qu'ils savent que je veux les tuer

Il est des êtres si peu mammifères
Qu'ils cherchent toujours à passer les fers
À qui choisit de leur tendre la main
Qu'ils rendent le pire pour le bien

Tu t'inquiètes de ma violence
Tu me reproches mon intransigeance
Mais tu sais... Il faut que je les haïsse
Quand ta clémence touche à l'injustice

Alors libre à toi de leur accorder
Ce pardon qu'ils n'ont jamais demandé
Mais moi... Moi je les maudirai toujours
Car il y a des actes sans retour

Ces fantômes ne craignent pas la mort
Mais je les forcerai à prendre corps
Avec des yeux que je pourrai crever
Et un cœur que je pourrai arracher